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Projet de loi pour la reconquête de la Biodiversité.

Intervention du sénateur Pointereau en séance publique. 

Le sénateur Rémy POINTEREAU est intervenu lors de la discussion générale portant sur le Projet de loi  pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages examiné au Sénat en deuxième lecture.

 

Monsieur le président,

Madame la secrétaire d’État,

Mes chers collègues,

 

Avant toute chose, je tiens à saluer le travail considérable réalisé par notre rapporteur Jérôme Bignon. Sur un texte sur lequel il était difficile de faire l’unanimité, il a finalement réuni une majorité au Sénat, en préservant, à l’issue de la première lecture, un texte équilibré. Malheureusement, depuis, cet équilibre a été rompu par l’Assemblée nationale.

 

La biodiversité est un concept beaucoup plus vaste que la simple collection d’espèces animales et végétales à laquelle on l’a trop souvent réduite : il renvoie à la diversité de la vie à tous ses niveaux d’organisation, du gène aux espèces et aux écosystèmes. Il ne doit par conséquent impliquer aucune « mise sous cloche » ou sanctuarisation : la vie, en effet, évolue sans cesse depuis des siècles et des millénaires ; elle évoluait même bien avant que l’on ne parle de changement climatique, de pollution, de pesticides, de révolution industrielle.

Les paysages qui nous entourent expriment la diversité des écosystèmes, fruit de l’histoire, de l’évolution et des influences humaines.

– La France héberge 4 900 espèces de plantes endémiques, ce qui fait d’elle le troisième pays européen du point de vue de la richesse floristique.

– La France abrite 950 espèces de vertébrés, ce qui fait d’elle l’un des premiers pays européens en termes de richesse faunistique.

– La France possède des richesses naturelles considérables – habitats naturels, parcs naturels, espaces naturels.

Et pourtant, nous parlons de « reconquête ».

Devons-nous vraiment dresser un tableau si sombre de la biodiversité dans notre pays, au regard des efforts de tous, et surtout de ceux qui vivent au plus près de la nature, agriculteurs, viticulteurs, éleveurs, pêcheurs, chasseurs ? Tous ont contribué à façonner nos paysages, notre nature, nos prairies, nos forêts.

Lors de la première lecture du texte discuté et voté au Sénat, nous avions réussi, avec notre rapporteur, à faire reconnaître leurs rôles respectifs en termes de gestion de la biodiversité, des espaces naturels, de la faune et de la flore.

D’ailleurs, les organisations syndicales agricoles, les chambres consulaires et les agriculteurs étaient d’accord pour agir en faveur de la biodiversité. Ils étaient plutôt satisfaits des conclusions de la première lecture, quand bien même elles les obligeaient à se soumettre encore à de nouvelles normes, de nouvelles tracasseries administratives, de nouvelles contraintes environnementales.

En occultant nos travaux, l’Assemblée nationale a ravivé les braises de la division opposant l’idéologie au pragmatisme, les environnementalistes aux agriculteurs, les « zadistes » aux porteurs de projets,… en oubliant que le développement durable devait marcher sur deux jambes : l’économie et l’environnement.

C’est pourquoi je souhaite que nous revenions au texte voté par le Sénat en première lecture. J’ai déposé, à cet effet, un certain nombre d’amendements, et je me réjouis qu’ils aient obtenu un avis favorable en commission.

Ainsi, à l’article 33, les députés ont supprimé les modalités de suivi des mesures compensatoires lors de la mutation d’un bien. Nous avions pourtant précisé qu’il était préférable de prévoir explicitement la conclusion d’un contrat définissant la nature des mesures, les modalités et la durée de leur mise en œuvre.

Sur ce point comme sur d’autres, je remercie notre rapporteur d’avoir fait en sorte de nous sortir de ce « rendez-vous en terre inconnue », en précisant la nature juridique de l’acte organisant la mise en œuvre de la compensation.

En ce qui concerne l’article 34, perçu par les agriculteurs comme une provocation, le dispositif rétabli par l’Assemblée nationale prévoit à la fois une obligation et un zonage pour la biodiversité. Les critères retenus sont difficiles à admettre pour les agriculteurs.

Je me réjouis que nous ayons supprimé cet article. On ne peut en effet imposer un système coercitif sans en discuter avec les personnes concernées : c’est une question de respect !

Un article a fait débat plus que d’autres au sein de notre commission. Il s’agit de l’article 51 quaterdecies, qui prévoit d’interdire, à partir du 1er septembre 2018, l’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes.

En première lecture, nous pensions avoir trouvé une position équilibrée en votant l’amendement de Mme Nicole Bonnefoy, du groupe socialiste et républicain – c’est d’ailleurs ce que nous avons fait de nouveau, en commission, en deuxième lecture –, qui vise à renvoyer à un décret le soin de déterminer les conditions d’utilisation de ces produits, afin de tenir compte de l’avis de l’ANSES. L’Assemblée nationale a tout simplement rétabli l’interdiction.

Contrairement à l’interdiction brutale, le renvoi au décret permet pourtant d’encadrer l’utilisation de ces produits, sans pour autant conduire les productions agricoles dans des impasses techniques.

À ce jour, si leur application est effectuée dans les règles, les néonicotinoïdes sont les produits les plus efficaces et les moins polluants pour l’environnement,… par comparaison avec les produits foliaires, qui, eux, restent sur le marché, qui doivent être appliqués à répétition, deux à trois fois, pour lesquels les risques de résistance sont plus importants, et dont les coûts sont plus élevés.

Toutes les matières actives efficaces, le parathion, le diméthoate, ont été retirées du marché. Elles étaient jusqu’alors autorisées pour les cerises un mois avant la récolte, et interdites, depuis dix ans, pour les grandes cultures – cherchez l’erreur. Bien utilisées, elles étaient pourtant, en définitive, les moins dangereuses pour l’être humain et les abeilles, aux dires des nombreux apiculteurs avec qui j’en ai longuement discuté. Il n’existe pas, aujourd’hui, de produits alternatifs.

Oui, la mortalité des abeilles est un problème ! Certes, nous devons le résoudre, car nous avons besoin de pollinisateurs, notamment pour la production de semences.

– Faut-il pour autant que l’agriculture devienne le bouc émissaire de cette mortalité ? Je dis non !

– Faut-il pour autant que la France agisse de façon unilatérale en s’adonnant de nouveau à la « sur-transposition » du droit européen, mettant en danger la compétitivité de nos agriculteurs ? Nous ne pouvons nous le permettre, et, là encore, je dis non !

Nous ne sommes pas des scientifiques. Il nous faut faire confiance aux organismes tels que l’ANSES, en France, et les agences européennes.

Si le Parlement interdit un produit dit « dangereux », alors il faudra interdire tous les produits dangereux pour la santé humaine et la biodiversité (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) certains médicaments, les aérosols, les insecticides, et cela dans toute l’Europe. Ce n’est pas là le rôle des parlementaires !

Comme l’a proposé notre collègue Michel Raison, il serait souhaitable que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable se penche spécifiquement sur la question de la mortalité des abeilles, domestiques ou sauvages. L’observation des populations selon les zones géographiques révèle de grandes surprises : il a ainsi été constaté que la mortalité des abeilles était plus importante dans les zones de montagne, non cultivées, dans les Vosges par exemple.

Notre collègue Daniel Gremillet en parlera mieux que moi, puisqu’il a présidé la commission des apiculteurs du CNJA, le Centre national des jeunes agriculteurs.

Madame la secrétaire d’État, nous sommes des élus responsables et favorables à la protection de la biodiversité. Toutefois, je maintiens que la mise en œuvre de cette protection doit reposer sur la confiance accordée aux acteurs de terrain et aux organismes scientifiques, et cela, madame la secrétaire d’État, sans arrière-pensées électorales 

Je vous remercie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)